Épisode #57: Mon ami Gérard
Vous vous rappelez de Gérard? Je vous ai parlé il n'y a pas si longtemps de nos amis Gérard et Madeleine que nous avons rejoint à Moab dans l’Utah, première étape de sortie du Mexique de notre grand voyage qui devrait s’étendre sur 2 ans. Aujourd'hui, je veux vous parler de Gérard, un ami de longue date, mais aussi une espèce en voie de disparition! J'ai connu Gérard en 1979 à St-Sauveur, l'année où je me suis « installé dans le nord » pour la toute première fois. C'était l'époque (révolue hélas !) où l'on dansait dans les rues le 14 juillet pour fêter le Mardi Gras des Français car dans le temps, il y avait beaucoup moins de restaurants à St-Sauveur. Plusieurs y offrait de l'excellente cuisine française un peu partout dans le village, qui était beaucoup moins connu dans ces années-là.
Lors d'une de ces super fêtes sur la rue Principale, un petit homme que tout le monde semblait connaître nous avait adressé la parole avec un grand sourire : c’était Gérard ! Il semblait de très bonne humeur ayant commencé la fête quelques verres de vin avant nous. Comme nous avions un ami commun, cela a été facile de faire un brin de conversation en sa gentille compagnie. J'avais 31 ans à l'époque. Comme je ne connaissais à peu près personne au village qu’était alors St-Sauveur, je rencontrais Gérard un peu partout où je marchais et nous faisions conversation quoique je me suis toujours demandé s’il s’arrêtait pour moi ou pour la belle blonde avec qui j'étais!
Gérard, divorcé depuis longtemps et qui vis avec Madeleine depuis plusieurs années, est père de trois enfants, tous résidant aux États-Unis. Gérard et Madeleine habitent une maison des plus chaleureuses à St-Sauveur et sont constamment occupés par leurs activités sociales. Gérard a fait tous les métiers : coiffeur pour dames très populaire (une vraie coqueluche), hôtelier en Jamaïque et à St-Adèle, chanteur, éleveur de poulets, dessinateur en architecture et… vendeur de gouttières ! Végétarien depuis 50 ans, il pratique plusieurs sports dont le tennis plusieurs fois par semaine jusqu’à l’année dernière, du ski, du patin à roulettes et tout récemment Gérard vient de commencer un nouveau hobby auquel il y met beaucoup de cœur… le golf! Excellent cuisiner, il sait nous préparer de bons p'tits plats. Il ne souffre ni d'arthrite ni de troubles cardiovasculaires, ni d'hypertension et son énergie n'a aucune limite. Sa mobilité et son agilité en font un excellent danseur. Éveillé dès 5h00 le matin, il fait vingt minutes d'exercices tous les jours au lever pour se garder souple. Il aime faire du vélo et c'est aussi un jardinier passionné.
Gérard adore chanter et a fréquenté les bars du Nord pour s'amuser pendant plusieurs années en accompagnant les pianistes occasionnels. Quand on l'écoute, on ricane et on s'émerveille de l'originalité de tout ce qui peut l'intéresser. « Don Juan » dans l'âme, Gérard vit une relation harmonieuse et stable depuis 15 ans avec Madeleine, une femme cultivée, plutôt intellectuelle, toujours curieuse d'apprendre et qui a publié en 2 volumes l'arbre généalogique des Membres de sa famille depuis les toutes premières générations en 1700.
Étant complètement différents tous les deux, ils semblent pourtant très bien se compléter. Gérard a un très vaste réseau d'amis et de connaissances et la plupart sont tous plus jeunes que lui étant donné son énergie débordante et ses capacités physiques hors du commun pour son âge… que je ne vous ai pas encore dit! Il a peu d’amis de son âge car la liste diminue rapidement… vu son âge, Gérard trouvant difficile de les perdre les un après les autres. Malgré ces pertes qui l'attristent, il demeure serein et s'engage à plein avec ceux qui restent, n'éprouvant aucune crainte devant la mort mais quelques inquiétudes face à la maladie éventuelle. Il a tout de même très bien passé une opération à la prostate il y a quelques années.
C'est un ami rempli de sincérité et de sensibilité qu'il me fait toujours très grand plaisir de revoir. Gérard aimerait beaucoup pouvoir voyager de nouveau en VR, un petit de préférence car ils ont déjà eu un Rialta.
Toujours rêveur, il mijote sans cesse de nouveaux projets dont celui un jour de se faire construire la maison de ses rêves faite avec des pneus (vous avez bien lu) dont plusieurs modèles sont construites et habitées à Taos au Nouveau-Mexique où il a connu ce genre de construction écologique, évidemment marginale, mais incroyablement peu énergivore. En fait, toute l'énergie nécessaire provenant par des moyens naturels comme des panneaux solaires, etc. Gérard consomme des produits biologiques et m'a dit récemment « moi je ne serai jamais riche, je dépense tout mon argent dans de la bonne nourriture qui coûte cher » ! À le regarder déborder de santé et d’énergie encore à son âge, on peut le croire sur parole!
Et en forme comme ça, ça ne se peut pas ! Malgré ma différence d'âge de 25 ans avec Gérard, il m'est impossible de " l'accoter " au niveau de la forme physique. Il a une de ces poignées de main qui a du nerf ! Toutes ses activités, que ce soit de chanter, de travailler ou de faire du ski et du tennis ou du patin à roues alignées lui permettent évidemment de maintenir de nombreux contacts amicaux. Je le sais parce que j’ai joué au tennis, skié et patiné avec Gérard.
Laissez-moi vous raconter une inoubliable aventure que j’ai vécue avec Gérard il y a environ 6 ou 7 ans, à un âge avancé où la plupart des gens vivent dans des maisons de retraite pour personnes autonomes. Une fois que nous faisions du « patin à roues alignées » dans les rues de St-Sauveur, nous voilà tous les deux en bonne vitesse et une rue en pente nous ayant fait prendre plus de vitesse que prévu nous rend incapable de freiner adéquatement. Nous voilà donc tous les deux en train de dévaler la rue en voyant approcher assez rapidement le prochain coin avec un arrêt impossible à faire tellement nous allons vite… et la rue inverse qui n’en n’a pas! Je crains le pire. Nous sommes chanceux tous les deux : pas de circulation en sens inverse! Mais la vitesse est toujours là! Je bifurque à droite pour continuer dans l’autre rue et pouvoir ralentir. Mais j’ai tout de même le temps de voir Gérard passer à côté de moi, continuer comme une flèche en ligne droite à une vitesse folle, lâcher l’asphalte lorsque ses patins frappent soudainement la « gravelle » de côté et… s’étendre de tout son long et rouler sur le gazon dans un atterrissage brutal mémorable! Revenant rapidement auprès de Gérard pour m’assurer qu’il n’avait rien de cassé, le voilà qui se relève de ses 5 pieds et 2 pouces en un seul morceau mais plutôt étourdi! On le serait à moins! Me voilà pris d’un fou rire! Je crois que j’ai eu beaucoup plus de peur pour lui qu’il en a eu pour lui-même. Il aurait vraiment pu se tuer! Expérience ahurissante! On réalise alors la situation et on est crampé de rire tous les deux. Gérard et moi en pleurons tellement la situation est cocasse pour des gens de notre âge, moi à 50 ans et Gérard à…
J'espère pouvoir vieillir en santé comme Gérard pour pouvoir continuer d'être son ami pour longtemps. J'admire Gérard et tout ce qu'il représente : la joie de vivre en bonne condition physique, en bonne santé et doté d'un bon moral. Son nouveau hobby, le golf, que Madeleine et Gérard n’ont découvert que depuis l’année dernière, lui permet de marcher régulièrement plusieurs fois par semaine.
Si l'on regarde ce qui semble être la clé du bonheur pour le troisième âge, on peut constater que non seulement Gérard possède-t-il cette clé, mais il en a déverrouillé la porte en plus d'en franchir le seuil. Il est satisfait de sa vie passée, de ce qu'elle est maintenant et espère que cela continuera longtemps dans l'avenir. Son seul regret ayant été « de ne pas avoir épargné assez d'argent », mais il est tellement riche dans son cœur et sa tête! Avec Gérard comme exemple de vie, moi aussi je pense que pour se rapprocher du bonheur, il faut essayer de réduire l'écart entre ce que l'on souhaite en tous points dans la vie et ce que l'on a.
Je suis particulièrement fier de pouvoir compter Gérard parmi mes amis et honoré qu'il me compte parmi les siens car c'est toujours un plaisir retrouvé à chaque fois que je le revois. Et plus ça va, plus je pense que c'est plutôt lui qui va tous " nous enterrer " !
Après tout, Gérard n'a que 82 ans !
Et encore toute la vie devant lui!
N.B. Mes remerciements à Sylvie, auteure de l'ouvrage "Le phénomène Gérard" dont je me suis inspiré de quelques extraits tellement ils décrivaient bien ce qu'est Gérard.
La semaine prochaine : Whistler et Blackcomb !